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Tchétchénie, le front des chansons

LEMONDE.FR | 05.12.03 | 14h15

Les soldats russes déployés en Tchétchénie semblent toujours bouder l'hymne soviétique, récemment rétabli dans le pays. Ce sont plutôt les paroles des deux tubes cultes du groupe de rock russe Lioubé qui leur tiennent chaud au cœur dans les moments de déprime, ou qu'ils entonnent pour se donner du courage : Kombat (abréviation de "commandant de bataillon") et surtout Davaï za ("buvons à"), une ballade devenue, côté russe, l'hymne officieux de cette deuxième guerre dans le Caucase. 

Kombat raconte l'histoire de ce brave commandant qui, plutôt que de "cacher son cœur derrière les dos des soldats", monte en première ligne, là où "brûlent les tanks et attaque l'aviation" afin de mener son bataillon vers la victoire. Mais le morceau, qui alterne une partie lyrique et une autre plus syncopée et entraînante, ne se contente pas de glorifier ces hommes qui défendent "la Russie, Moscou et l'Arbat (la rue symbole de la capitale russe)". Avec un mélange de fatalisme et de romantisme viril, on y évoque aussi la réalité d'une guerre comparée à une "vieille mémère triste", où "tout est beaucoup plus noir qu'au cinéma".

On retrouve cette même ambiance dans Davaï za, dont les couplets s'enchaînent à la manière des interminables toasts russes. Ici on boit pèle-mêle "à la vie, à l'amitié et à l'amour, au camarade blessé, à ceux qui nous attendent à la maison, à la Sibérie et au Caucase, aux paras et aux Spetznaz (troupes d'élite)".

Le refrain est ponctué de scènes de guerre d'un étonnant réalisme, avec ce camarade blessé que l'on traîne dans la boue sous un ciel de plomb et à qui l'on chuchote à l'oreille de "tenir bon" en lui rappelant la longue et heureuse vie qui l'attend avec les siens, à la maison. "C'est vrai, c'est ce qu'on sent quand on est là-bas, a expliqué Grigori, 23 ans, qui a passé six mois en Tchétchénie, mais c'est plus beau que la réalité".

Hymne à la vie plutôt qu'à la guerre, mêlant habilement aux guitares électriques des thèmes et des sons issus de la tradition des bardes russes, le succès de Davaï za dépasse le cercle des militaires. Des chauffeurs de taxi moscovites qui écrasent une larme en montant le son lorsque passe à la radio Davaï za aux jeunes lycéens de province qui terminent leurs fêtes et leurs boums en se passant en boucle ce morceau, Lioubé "cartonne" dans tout le pays.

Les chansons adoptées par les rebelles tchétchènes, produites quasiment sans moyens et accompagnées uniquement à la guitare sèche, font difficilement le poids face à l'impact de Lioubé sur le public russe. Ces poèmes chantés en tchétchène puisent leur inspiration à la fois dans l'actualité des combats et dans l'histoire millénaire de la Tchétchénie. On y narre des situations militaires désespérées, sauvées in extremis par un commandant particulièrement audacieux, on y loue la bravoure et l'abnégation des boïevikis, qui n'hésitent pas à payer de leur vie la liberté.

Ici, à la différence des chansons de Lioubé où l'ennemi n'a pas de visage, l'adversaire est clairement désigné et les Russes y sont dépeints comme des alcooliques ou des dégénérés. Mais la chanson tchétchène la plus poignante est la complainte d'un soldat russe, prisonnier de son char en feu : "Pour quelle raison dois-je brûler, dans ce pays étranger ? Alors que derrière moi, ma patrie se tord de douleur, ma patrie immense, ma patrie affamée, où l'on ne laboure ni ne sème plus, ma patrie pillée. Et que nos douces mères ne connaissent que le malheur. Pardonnez-nous, pardonnez-nous, pardonnez". Afin de tenter de toucher le même public que celui de Lioubé, cette chanson des rebelles est, exceptionnellement, dans la langue de Pouchkine.

Alexandre Lévy

 

 

 

  


 

 

 

 

Les Tchétchènes chantent parfois, en russe, la complainte d'un soldat ennemi pris dans un char en feu, tandis que les combattants russes préfèrent, eux, le rock à leur hymne national/ITAR TASS-SIPA

Traduction complète sur le blog de Sarah


 
  

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